Souvenons-nous de la Grande Cause nationale 2016, titrée « Adoptons les comportements qui sauvent » 1. Mission confiée par la secrétaire d’État d’alors, Juliette Méadel (Aide aux victimes), à un duo de circonstance : le docteur Patrick Pelloux, le colonel Éric Faure, président alors de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Deux personnalités majeures des secours et des soins préhospitaliers. Objectif : proposer de nouveaux moyens pour la formation des citoyens aux premiers secours. En route donc selon le triptyque de la com’ : plaire, émouvoir, convaincre. Donc pédagogie punchy, moyens au top. Pas toujours évident à la longue : le passé l’a prouvé avec « Les 10 gestes qui sauvent », livrés aux bonnes intentions plus qu’à leur application concrète dans la population.
Si, au moins, nous affichons un certain âge, nous nous souvenons : de 1981 à 1987, chaque samedi soir, sur TF1, ces quelque 6 millions de téléspectateurs accros à Droit de réponse. Débats animés par le regretté Michel Polac. Comme jamais, des polémistes s’y affrontaient, façon pitbulls. Après des thèmes comme « Hôpital silence ! » ou « Les caisses noires », survint « Au secours ! », avec la participation d’un colonel de pompiers, directeur départemental de l’Oise.
Dans son livre Mes dossiers sont les vôtres (Balland), Polac était revenu sur cette émission : « Elle m’a laissé sur ma faim », confia-t-il. Et d’écrire : « Malgré une timide campagne sur “Les 10 gestes qui sauvent”, la plupart d’entre nous n’en connaissent pas un seul. Il serait bon que la télévision les rappelle […]. On pourrait les enseigner dans les écoles. […] Car l’un des fléaux de notre époque, c’est l’indifférence, c’est de voir une foule passer sans s’arrêter devant un homme à terre (expérience que j’ai filmée voilà quinze ans), ce sont des automobilistes qui ne se portent pas au secours d’un blessé au bord de la route ; c’est notre stupide ignorance d’habitants des villes, incapables de savoir ce qu’il faut faire […] en cas d’incendie, alors que le feu était autrefois l’affaire de chacun et de tout le village. Aujourd’hui, tout devient spécialité, et plus personne ne se sent concerné par ce qui n’est pas sa profession. Autrefois, vous criiez “Au secours !”, tout le monde se précipitait ; aujourd’hui, personne ne se retourne… » Et puis : « J’ai demandé à Huguette Bouchardeau, [alors] ministre de l’Environnement, et à Haroun Tazieff, [alors] secrétaire d’État aux Risques majeurs, ce qu’ils feraient si les sirènes, un jour, sonnaient non pas le premier mercredi du mois à midi, mais… à 2 heures du matin. Ils ont avoué qu’ils n’en avaient pas la moindre idée. »
Aujourd’hui, les Français sont-ils mieux « branchés », à la manière des Anglo-Saxons ou des Scandinaves, sur le coup de main possible de tout un chacun quand la vie bascule ? Le 20 avril, à l’occasion de la remise du rapport adéquat au gouvernement, le colonel Éric Faure avait, dans l’excellent Magazine de la santé (France 5), précisément flashé sur les 13 minutes (en moyenne) d’attente des pompiers sur une urgence absolue. Avec cet impératif : d’abord former aux gestes salvateurs tous les fonctionnaires au contact du public, et vraiment mettre dans le coup collèges et lycées. Cette fois-ci, c’est l’avenir qui dira… Jusqu’à présent, l’avenir se fait attendre.
- Campagne signée Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Croix-Rouge française, Fédération nationale de protection civile.[↩]