Crédit photo : P. Forget/Sagaphoto

« Désamorcer la mort, relancer la vie »

Marcel Arnaud, professeur de neurochirurgie (1896-1977)

Les déserts médicaux : à qui la faute ?

par Bernard Laygues

doctor holding red stethoscope
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Plaintes et indi­gna­tions : plus de 10 mil­lions de Fran­çais vivent réel­le­ment dans un désert médi­cal. Une situa­tion qui ren­voie for­cé­ment à des res­pon­sa­bi­li­tés d’hier. Quant à ce qui est vécu aujourd’hui, pas le moindre cou­pable n’est dési­gné, ni ne se désigne. Nor­mal, puisque c’est la faute à per­sonne. C’est-à-dire à tout le monde ! D’autant que cette situa­tion s’avérera dif­fi­ci­le­ment maî­tri­sable tant que la liber­té d’installation des jeunes méde­cins demeu­re­ra intan­gible. En somme, et cela s’avère facile à com­prendre, mieux vaut les Alpes-Mari­times que la Creuse ! Oui, mais les besoins natio­naux ?… Et puis, ces longues études de méde­cine, qui les finance, sinon chaque citoyen d’où qu’il soit ?

Une loi bien partagée

Retour à 1971. Cette année-là est votée la loi qui durant cin­quante ans va impo­ser le nume­rus clau­sus (locu­tion latine pour « nombre fer­mé »). Voi­ci fixé le nombre maxi­mum d’étudiants de 1re année de méde­cine admis (natio­na­le­ment) en 2e. année. Même chose dans la fou­lée en odon­to­lo­gie (chi­rur­giens-den­tistes, sto­ma­to­logues), phar­ma­cie, kiné­si­thé­ra­pie, et aus­si maïeu­tique (sages-femmes). L’écrémage réduit donc d’emblée le nombre de méde­cins, alors que l’heure de la retraite sonne pour beau­coup. Les uns partent, mais les autres n’arrivent pas. La France, consi­dé­rée jusqu’en 1990 comme pré­sen­tant le meilleur sys­tème de san­té au monde, entame sa plon­gée vers le bas de l’évaluation inter­na­tio­nale en matière d’accès aux soins, et donc d’efficacité dudit système.

En fait, tout ce qui compte dans la nation comme pou­voirs de déci­sion s’y était mis pour pro­duire ce « mau­vais coup » : les pra­ti­ciens libé­raux eux-mêmes (syn­di­cats pro­fes­sion­nels en chœur), qui redou­taient la « concur­rence » et de moindres reve­nus, tout en pré­ten­dant tou­jours à leur libre répar­ti­tion sur le ter­ri­toire ; l’Ordre des méde­cins, qui fer­mait les yeux, comme il les a sou­vent fer­més ; les pré­si­dents d’université et les direc­teurs d’hôpitaux, pas mécon­tents d’alléger l’afflux d’étudiants ins­crits dans la filière à par­tir du nombre gran­dis­sant de bache­liers après 1968 ; et puis les par­le­men­taires, dési­reux de voter une loi « d’ordre », appli­quée dis­crè­te­ment à l’encontre de la loi Faure, laquelle garan­tis­sait l’accès libre à l’Université pour tous les titu­laires du bac ; enfin, la masse des citoyens, qui eux y voyaient goutte. D’autant que des socio­logues ins­pi­rés disaient : « Moins d’offre de soins égale moins de recours aux méde­cins. » Hum ! 

Un espoir pour demain ?

Nul doute que là l’Histoire retien­dra le pas de côté du Légis­la­tif comme de l’Exécutif, au détri­ment d’abord des « vieux » — un nombre en heu­reuse (?) aug­men­ta­tion — et des popu­la­tions pré­caires. D’où la remise « à plus tard » de soins pour­tant indis­pen­sables. Donc consul­ta­tions et sur­veillance sou­dain accrues, quand ce n’est pas inter­ven­tions en urgence et hos­pi­ta­li­sa­tions obli­gées. Les sapeurs-pom­piers opé­ra­tion­nels ne l’ignorent pas. 

Espoir auquel s’accrocher : le nou­veau nume­rus aper­tus (pour « nombre ouvert »). Mis en place en 2021, il fixe le nombre mini­mum (!) d’étudiants admis en 2e année dans chaque uni­ver­si­té, en fonc­tion de ses capa­ci­tés d’accueil. De quoi, nous dit-on, « col­ler aux réa­li­tés de ter­rain ». Pour­tant, déjà nombre de fins obser­va­teurs se prennent à dou­ter. Atten­dons : il faut 9 ans pour for­mer un géné­ra­liste, entre 10 et 12 pour les spé­cia­listes. Ce qui, en tout cas, va lais­ser à nombre de nos mémoires le temps de s’effacer… 

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