Retour, pour mémoire, au congrès « Urgences 2019 », tenu sous l’autorité de la SFMU (Société française de médecine d’urgence) et de SUdF (Samu-Urgences de France). À la suite d’autres orateurs, le docteur François Braun (alors président de SUdF) annonce qu’il va « faire un peu de science… parce qu’on est dans un congrès scientifique ». Tant mieux : on écoute !
Alors, pour illustrer son propos, il projette sur écran l’image de l’homme de Néandertal1, puis en contrepoint un gilet d’intervention d’infirmier-ère sapeur-pompier. Puis (en conférence TEDx) il file la métaphore : « Comme dans l’évolution [des espèces], il y a des branches — en tout cas, c’est mon point de vue — qui sont vouées à la disparition… Néandertal a apporté son ADN dans notre construction, c’est-à-dire qu’il a été indispensable à un moment donné, mais il n’a pas survécu ». De quoi signifier le sursis pour nos infirmiers-ères de terrain…
Bonne précaution : avoir dit « c’est mon point de vue ». On peut, en effet, être un urgentiste de haut niveau, devenu en juillet 2022 ministre de la Santé (jusqu’à juillet 2023…), sans connaître la génétique. Et il nous semble que, comme disait Talleyrand, « tout ce qui est exagéré est insignifiant ». D’autant que l’on ne compte plus les études qui contredisent l’assertion « scientifique » du docteur Braun. Futura Santé, magazine numérique de référence, au contenu encyclopédique, a su résumer ainsi ces études : « La structure originale de l’ADN en double hélice lui permet de se dupliquer en deux molécules identiques entre elles et identiques à la molécule mère lors du phénomène de réplication qui a lieu avant la division cellulaire. L’information génétique n’est ainsi jamais perdue, et peut se transmettre […] via les cellules germinales. »

Eh bien, voilà qui conforte d’emblée l’avenir de nos infirmiers-ères ! Mais brisons là, sans même rappeler l’état inquiétant de la démographie médicale et l’évidente utilité de l’élément paramédical en préhospitalier. Nous, les anciens, pour avoir pu observer le développement des 3 SM2, savons ce qu’il en est.
Voilà 26 ans, nous écrivions dans 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et vous (hors-série du magazine Le Sapeur-Pompier) : « Certes, il peut y avoir ici ou là une structure plus spécialisée, mieux équipée face à l’urgence… Il n’y a pas mieux répartis sur nos territoires, mieux accordés aux réalités locales, plus rapides, plus dévoués (ça compte !) que ces généralistes du risque [pompiers tant volontaires que “pros”] ». Or, depuis lors, bien des infirmiers/ères — dont nombre d’IADE3 majoritairement volontaires — n’ont cessé de s’affirmer dans nos Sdis, sous l’autorité des médecins-chefs. Avec ce souci permanent : « La victime au centre du système. »
N’arrive-t-il jamais, par exemple, qu’une fois ou l’autre, face à une urgence vitale, un Smur au complet ne puisse intervenir pour cause de docteur en médecine retenu ou retardé ? Alors, en lieu et place, vaut-il mieux un/une infirmier/ère, voire « en pratique avancée » (titre désormais reconnu en droit), ou rien de plus qu’une prise en charge basique ? Question pertinente ou non ? Si c’est non, à quoi serviraient les Pisu (Protocoles infirmiers de soins d’urgence) signés par six organisations médicales4, dont la SFMU et SUdF. Une avancée pas encore appliquée au top dans tous nos départements. Pourquoi ?
- En partie contemporain de l’homme de Cro-Magnon, il a disparu autour de 30 000 ans avant notre ère.[↩]
- Services de santé et de secours médical des sapeurs-pompiers de France.[↩]
- Infirmiers-ères anesthésistes diplômés(ées) d’État.[↩]
- La SFMU (Société française de médecine d’urgence), le CARUM (Club des anesthésistes-réanimateurs et urgentistes militaires), le CFRC (Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire), la SEMSP (Société européenne de médecine de sapeurs-pompiers), la SFAR (Société française d’anesthésie et de réanimation), la SRLF (Société de réanimation de langue française). [↩]