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« Désamorcer la mort, relancer la vie »

Marcel Arnaud, professeur de neurochirurgie (1896-1977)

Tant qu’il y aura des volontaires aux côtés de « pros »…

par Bernard Laygues

Bernard Laygues

Lec­trice ou lec­teur, qui de vous à moi me faites le plai­sir de lire cet article  écrit en 2023, lais­sez-moi vous trans­por­ter en 2030 — pour ain­si dire, après-demain… Disons le 31 juillet, sur le coup de 6 heures du soir. En route pour des vacances bien méri­tées, vous avez choi­si de faire étape en famille, hôtel rete­nu, dans un bourg aus­si char­mant qu’attractif, qui compte un gros mil­lier d’habitants. Clas­sique et sans his­toire, comme le pays en compte tant, entre zones sub­ur­baines et éten­dues rurales. Sou­dain — cela peut arri­ver à n’importe qui —, vous voi­ci projeté/e vers ce qui va se révé­ler comme un drame. Sur la bre­telle de sor­tie d’une auto­route, après des heures de cir­cu­la­tion dif­fi­cile pour cause de « grand départ », vous voi­ci enfin à quelques enca­blures de votre des­ti­na­tion. Mais un méchant encom­bre­ment vous oblige à l’arrêt com­plet. C’est un acci­dent ? Certes.

Trombes d’eau ; orage dont le ton­nerre éclate à répé­ti­tion, sec et tran­chant ; zébrures d’éclairs sur la cime des arbres alen­tour. Ce serait en soi une bonne chose  à la suite de trois mois sans une goutte d’eau, qui a fini par rendre sableuses les meilleures terres. Mais, à cet endroit-là, s’imposent alors les risques d’un acci­dent. Et voi­ci que, avec quelques autres témoins qui ont quit­té leurs véhi­cules, vous vous retrou­vez bien­tôt à por­tée de main d’un motard car­ré­ment encas­tré, avec son gros cube, sous un 35-tonnes en tra­vers de la route. Le mal­heu­reux perd connais­sance à force d’atroces dou­leurs. Son casque appa­raît défor­mé ; ses pro­tec­tions en cuir, lacé­rées. Et puis, os bri­sés, vis­cères écla­tés, muscles écra­sés, liga­ments dis­ten­dus, vais­seaux san­guins sec­tion­nés : tout cela est à redou­ter. J’ai, une seule fois, pu ima­gi­ner ce genre de tableau interne au che­vet d’une vic­time. Le pire : quand la res­pi­ra­tion se fait agonique.

Déjà, de dis­crètes flammes prennent nais­sance dans un filet d’essence répan­du sur le bitume. « Vite, les pom­piers ! » : oui, mais c’est bien sûr ! L’exclamation se veut una­nime, et des por­tables sortent des poches. Quel numé­ro, au fait ? Vous avez rete­nu le 112 ? Bien : il s’agit du numé­ro euro­péen d’urgence qui a pris place au côté du 18 (pom­piers), du 15 (Samu) et du 17 (police ou gendarmerie). 

Avec votre appel, ça y est : la nature inquié­tante de l’accident est indi­quée, le lieu pré­cis éga­le­ment. Et, face à ce qui n’est rien de moins qu’une ques­tion de vie ou de mort, votre espoir d’un prompt secours vous ras­sé­rène… Jusqu’à ce que, entre angoisse, incer­ti­tude et indi­gna­tion, vous n’en croyiez bien­tôt plus votre montre. Car vous voi­là aux prises avec une invrai­sem­blable attente d’une action sal­va­trice qui ne vient pas. En fait, vous pou­vez espé­rer un déta­che­ment de pom­piers au top de la com­pé­tence opé­ra­tion­nelle. Oui, mais il vient du diable vau­vert ! C’est que, en ces jours d’intense cha­leur, seule­ment refroi­dis le temps d’un violent orage, la forêt flambe dans la région, et tout ce qui compte en matière de secours se voit mobi­li­sé pour des inter­ven­tions prio­ri­taires et mas­sives. (Com­pa­rai­son avec 2003 : quand la cani­cule avait empor­té 15 000 vies de per­sonnes âgées, et le feu, quelque 60 000 hec­tares de forêt.) Pour faire bon poids, ajou­tons les acci­dents « ordi­naires » pro­vo­qués, comme à l’accoutumée, par le chas­sé-croi­sé entre juillet­tistes et aoûtiens… 

Voi­là vingt-cinq minutes déjà que vous avez appe­lé les secours. Vous ou d’autres avez renou­ve­lé l’appel. Chaque fois, une voix assu­rée, ras­su­rante, a cer­ti­fié que la demande était prise en compte. Chaque fois, vous avez espé­ré une inter­ven­tion immi­nente. En vain. Même une uni­té médi­cale hos­pi­ta­lière, arri­vée sur place dans un bon délai, ne pour­rait inter­ve­nir : c’est que seuls des pom­piers, avec un maté­riel adap­té, seraient à même de déga­ger le bles­sé du mag­ma de fer­raille frois­sée, d’huile dégou­li­nante et d’eau boueuse qui empêche de l’atteindre faci­le­ment. D’autant que la menace d’incendie se pré­cise, retar­dée par l’utilisation approxi­ma­tive de deux extinc­teurs extraits de voi­tures. Un drame dans le drame, en somme ! 

Indispensables… irremplaçables 

Il y a encore dix ans, dés­in­car­cé­ra­tion et prise en charge de la vic­time auraient été assu­rées par une équipe de pom­piers volon­taires de la com­mune, regrou­pés en cinq minutes sous l’effet d’appels sélec­tifs indi­vi­duels par bipeurs. Mais une triste réa­li­té s’impose : le centre de secours local se trouve « fer­mé » en jour­née, faute de relève des der­niers enga­gés, « atteints par la limite d’âge ». Et, comme la plu­part des habi­tants de ce gros bourg, y com­pris les volon­taires res­tants, tra­vaillent loin de là, le centre ne peut plus assu­rer que les gardes de nuit. Quant à la Direc­tion dépar­te­men­tale Incen­die-Secours, elle a d’autres pré­oc­cu­pa­tions que de le main­te­nir coûte que coûte. Il s’avérait certes utile, mais trop dif­fi­cile à gérer. Donc, seule solu­tion : attendre des secours venus de 20 kilo­mètres, si  ceux-là ne sont pas déjà enga­gés ailleurs. Alors, ce serait 33 kilomètres… 

Mau­vais rêve sur fond de pes­si­misme dans l’anticipation de l’avenir ? risque-t-on de pen­ser. Exa­gé­ra­tion ? Pos­sible. Sauf que, à l’horizon 2030, le risque de dis­pa­ri­tion de secours de proxi­mi­té viables, rapides et effi­caces ne peut pas­ser pour une pure fic­tion au vu de pré­mices déce­lées dans des réa­li­tés d’aujourd’hui. En fait, ce que l’on est fon­dé à craindre, c’est car­ré­ment un effon­dre­ment du nombre et de la dis­po­ni­bi­li­té des pom­piers volon­taires sur de larges éten­dues géo­gra­phiques. Ces citoyens enga­gés dans leurs com­munes au ser­vice de tous, ins­truits et entraî­nés pour inter­ve­nir « en cas de mal­heur », seuls ou aux côtés de pro­fes­sion­nels, les connais­sez-vous vrai­ment ? Savez-vous ce qui les « fait cou­rir » ? (Allu­sion au tableau de Gus­tave Cour­bet Pom­piers cou­rant au feu.) Avez-vous réa­li­sé pour­quoi ils passent pour indis­pen­sables, et même irrem­pla­çables ? Et s’ils étaient pro­mis à la ramasse ? Je vous prie, au cas où vous res­sen­ti­riez quelque hési­ta­tion dans votre approche du sujet, de ne pas écar­ter trop tôt votre atten­tion de cet article.

« Pom­piers cou­rant au feu » par Gus­tave Cour­bet, 1851

 Car, devant un tel risque et pour l’information du public, il arrive que des jour­na­listes aillent, dans l’exercice de leur pro­fes­sion, à la ren­contre des pom­piers en géné­ral, et du volon­ta­riat en par­ti­cu­lier, au point même de s’engager dans ses rangs. Ce fut — exemple emblé­ma­tique — le choix du regret­té Jean Schmitt, connu jusqu’en 2000 comme direc­teur de la rédac­tion à l’hebdomadaire Le Point, roman­cier et trom­pet­tiste de jazz. À l’heure de la retraite, il devint, pour hélas trop peu d’années (par équi­va­lence avec son grade d’officier de réserve dans la Marine natio­nale), capi­taine (civil) au Ser­vice d’incendie et de secours de la Lozère, pla­cé alors sous le com­man­de­ment du colo­nel Fran­cis Robert. Son job : for­cé­ment, la com­mu­ni­ca­tion ! Au point de faire la voix off de ter­rain pour des repor­tages de TF1 face à un violent feu de forêt, plu­tôt rare dans ce dépar­te­ment. C’était en 2003, une année de tous les excès de cha­leur, sur le causse Méjean.

 À l’évidence, là encore moins qu’ailleurs, les finances dépar­te­men­tales ne pour­raient sup­por­ter une pro­fes­sion­na­li­sa­tion impor­tante. Donc, les volon­taires répondent aux appels tous azi­muts. Bien enten­du, des besoins évi­dents ont fini par exi­ger quelques postes de « pros » (pas tou­jours direc­te­ment opé­ra­tion­nels) et une aug­men­ta­tion du nombre de Pats (per­son­nels admi­nis­tra­tifs et techniques). 

Avec un der­nier texte confié au Ser­vice Incen­die-Secours de la Lozère, « Jean » a sai­si le cœur même de l’engagement volon­taire au sein de sa terre d’élection, l’une des moins peu­plées, certes, mais tra­ver­sée, auto­route oblige, par une belle part des migra­tions de vacances. Et qui accueille, dès que le temps leur sou­rit, des cohortes de tou­ristes et d’amateurs de sports extrêmes. Nous ne pou­vions assu­ré­ment pas envi­sa­ger meilleur pro­pos pour hono­rer l’élan civique d’hommes et de femmes de nos ter­roirs, enga­gés pour aider, pro­té­ger, sauver… 

« Ce sont vos voi­sins, peut-être vos amis, vos fils ou vos filles… Ce sont 750 volon­taires qui, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sont prêts à venir à votre secours, par civisme, par dévoue­ment, par devoir. Der­rière le chiffre 18, sur votre cadran télé­pho­nique, se cache la crème de la nation, ceux qui croient encore que l’entraide est une ver­tu et le cou­rage une évidence.

« Ces gar­çons — ou main­te­nant ces  filles — qui quittent maris, épouses, famille au cœur de la nuit, qui baissent le rideau de fer en pleine sai­son, ou aban­donnent leur emploi[quand c’est pos­sible] pour rejoindre leur centre de secours, sau­ter dans les bottes et coif­fer le casque cou­leur argent, ce sont des Lozé­riens qui volent au secours de Lozé­riens — quand ce n’est pas, par exemple, de vacan­ciers accros de l’escalade.

« Quelque 75 000 habi­tants seule­ment, et 760 volon­taires. Plus de 1 % de la popu­la­tion, vieillards et nour­ris­sons com­pris. Une sorte de record. Donc 98 % de volon­taires dans ce corps dépar­te­men­tal de sapeurs-pom­piers : c’est un autre record.

« Vingt-huit casernes répar­ties sur les 5 000 kilo­mètres car­rés du dépar­te­ment assurent 4 500 « sor­ties » [départs en inter­ven­tion] par an dans une région acci­den­tée, cou­verte à 50 % de forêts, où l’habitat dis­per­sé rend tout si difficile. 

« Près de 16 000 appels de tous ordres arrivent en une année au Codis (Centre opé­ra­tion­nel dépar­te­men­tal d’incendie et de secours), à Mende. Col­li­sions sur la route, bles­sés à domi­cile, inon­da­tions, malaises dans la rue, sui­cides, et puis l’été les innom­brables acci­dents de sports extrêmes pour les­quels inter­viennent les hommes en rouge du Grimp (Groupe de recon­nais­sance et d’intervention en milieux périlleux), qui acro­ba­ti­que­ment vont décro­cher l’escaladeur bles­sé au som­met d’une falaise, repê­cher l’amateur de canyo­ning dans les tour­billons, ou l’imprudent tom­bé au bas d’une gorge sauvage. 

« Bref, plus de la moi­tié des opé­ra­tions ne concernent pas le feu, mais l’assistance aux per­sonnes… et même par­fois aux animaux ! 

« Nuit et jour sonne le 18 à côté des écrans sur les­quels veillent les tech­ni­ciens du Codis. Nuit et jour, des sapeurs-pom­piers vivent avec leur bipeur à la cein­ture, qui tin­te­ra lorsque le mal­heur aura frappé. 

« Et puis, il y a ces épouses admi­rables — et désor­mais ces époux — qui acceptent des loi­sirs en famille sabor­dés, des vacances tron­quées, des retours où l’épuisement rend la parole si dif­fi­cile. Il y a aus­si ces employeurs qui, civi­que­ment, géné­reu­se­ment, sup­portent que cer­tains de  leurs sala­riés quittent leur tra­vail pour aller dés­in­car­cé­rer d’une car­casse tor­due, dans le sang et l’horreur, des bles­sés pri­son­niers d’un véhi­cule qui peut explo­ser à tout moment.

« Pour les nuits de garde, pour les jours de for­ma­tion, pour l’entraînement com­pa­rable à celui des com­man­dos, pour les risques encou­rus et les maigres récom­penses, il arrive que les pom­piers volon­taires reçoivent une bouf­fée de recon­nais­sance. Comme ce soir d’août 2003 [lors de feux de forêt excep­tion­nels en Lozère], où vous applau­dis­siez au pas­sage d’une colonne qui des­cen­dait du front pour quelques heures de repos. 

« Vous applau­dis­siez ces hommes — et femmes — au visage noir­ci, aux tenues macu­lées, qui le len­de­main remon­te­raient com­battre sans aigreur, sans états d’âme, juste pour accom­plir leur devoir.

« Lozé­rien hono­ré d’avoir été coop­té par vos sapeurs-pom­piers, je suis fier de côtoyer les meilleurs de vos enfants. »

Proximité, continuité, efficacité

Toutes les 7 secondes ! Le chiffre est là, qui res­sort des sta­tis­tiques offi­cielles du minis­tère de tutelle (l’Intérieur). Incon­tour­nable, comme l’on dit. De quoi savoir, en tout cas, qu’en France, dans les 60 minutes qui viennent — top ! —, plus de 550 fois les sapeurs-pom­piers auront répon­du à un appel au secours. On les aura aler­tés (par le 18 ou le 112) parce qu’« il y a le feu », redou­table menace de tou­jours contre les per­sonnes et les biens… Aler­tés parce qu’une nui­sance aux allures de pol­lu­tion, méchante dérive de notre monde indus­tria­li­sé, rend toxique l’air ambiant… Aler­tés parce qu’une inon­da­tion enva­hit villes et  vil­lages, ou qu’une tem­pête jette à bas arbres, toi­tures et lignes à haute ten­sion (on se sou­vient de la fin décembre 1999 !)… Aler­tés parce que — c’est le quo­ti­dien — un acci­dent vient de se pro­duire, pou­vant faire une ou plu­sieurs vic­times d’emblée fra­gi­li­sées : sur la route, sur un chan­tier, dans un stade, sur un plan d’eau, ou tout sim­ple­ment au coin de la rue, voire à domi­cile (acci­dents domes­tiques en constante aug­men­ta­tion !)… Aler­tés aus­si parce que quelqu’un qui la minute d’avant n’allait pas mal se voit ter­ras­sé par un malaise car­diaque ou une hémor­ra­gie cata­clys­mique. Ils inter­viennent alors, tel le poste avan­cé d’une uni­té hos­pi­ta­lière mobile. Qui, elle, vient par­fois de bien loin.

C’est pour­quoi, côté urgences san­té, et sur­tout à dis­tance de tout centre hos­pi­ta­lier, même si c’est le Samu qui a été aler­té (par le 15 ou le 112), il y a gros à parier que les pre­miers inter­ve­nants sur les lieux de l’évènement jailli­ront quand même de « camions » rouges (ou jaunes). Notam­ment, de VSAV (véhi­cules de secours et d’assistance aux vic­times ; ancien­ne­ment VSAB, véhi­cules de secours aux asphyxiés et bles­sés). Tout bon­ne­ment parce que le méde­cin régu­la­teur du Samu-Centre 15 aura fait « déclen­cher » une équipe — vive, alors, la proxi­mi­té ! — d’hommes et/ou de femmes habi­tués de la pre­mière ligne sur tous les mau­vais coups du sort ou des dérives humaines. C’est qu’il s’agit alors de parer au plus pres­sé ; d’établir un « bilan » fiable de l’état de la (des) victime(s), trans­mis par radio à une oreille médi­cale ; d’assurer les pre­miers gestes utiles, à l’aide d’un maté­riel adap­té. En tout cas, d’empêcher – autant qu’il est pos­sible – l’aggravation des lésions ; puis d’évacuer la ou les vic­times — mises en condi­tions de trans­port — vers l’hôpital de rat­ta­che­ment. Cela quand la venue d’une uni­té mobile hos­pi­ta­lière, une Smur (Struc­ture mobile d’urgence et de réani­ma­tion), n’est heu­reu­se­ment pas indis­pen­sable. Sinon, il devient impé­ra­tif de l’attendre. Normal !

À noter qu’il est de plus en plus pos­sible de comp­ter d’emblée, à la suite des pre­miers inter­ve­nants (secou­ristes opé­ra­tion­nels), sur une mon­tée en puis­sance de moyens et de com­pé­tences, grâce à une para­mé­di­ca­li­sa­tion (infirmiers/ères protocolisés/ées), voire à une médi­ca­li­sa­tion — trop rare, hélas ! — par un  pra­ti­cien sapeur-pom­pier. Il s’agit là, dit-on, d’une « réponse gra­duée », en fonc­tion de la gra­vi­té. Laquelle, m’est avis, ne peut se voir déter­mi­née à par­tir d’un pre­mier appel de témoin, dont les don­nées peuvent évo­luer à tout ins­tant. Alors, temps per­du ! Donc, consi­dé­rons que « qui peut le plus peut le moins », du plus grave au plus bénin :c’est ce qui a été bien com­pris dans nombre de pays dont les secours ambu­lan­ciers d’urgence reposent sur des emer­gen­cy medi­cal tech­ni­cians (EMT) et para­me­dics. Ces der­niers ne sont ni méde­cins ni infirmiers(ères), mais seule­ment, à la suite de deux ou trois années d’études (selon les pays), des spé­cia­listes de la prise en charge de l’urgence tous azi­muts. (Voir l’article À l’image des para­me­dics.)

À Londres, j’ai eu le « plai­sir », trois fois, d’être accueilli au Lon­don Ambu­lance Ser­vice, puis d’avoir sui­vi (comme obser­va­teur) l’un de ses équi­pages. J’ai vu  pra­ti­quer, chez un enfant en état de choc, une per­fu­sion intra-osseuse. Incroyable, cet acte dans un espace public, sans même la pré­sence d’un méde­cin spé­cia­liste ! N’envisageons pas un géné­ra­liste « ordi­naire » : il n’aurait su que s’abstenir. 

Il est à rete­nir que, au Royaume-Uni, les ser­vices ambu­lan­ciers d’urgence dépendent du NHS (Natio­nal Health Ser­vice / minis­tère de la San­té). Alors qu’aux États-Unis, par exemple à New York, Los Angeles, etc., les para­me­dics appar­tiennent aux Fire Depart­ments (sapeurs-pom­piers). Évi­dem­ment, ils sont com­plè­te­ment ver­sés dans le secours à vic­times, et la lutte anti-incen­die n’est pas leur affaire. Ce qui l’est néan­moins, en cas de « gros feu », c’est le sou­tien sani­taire aux équipes de fire­figh­ters  (com­bat­tants du feu). 

Professionnels / volontaires : une évidente complémentarité 

Ques­tion : pour­quoi, chez nous, les pom­piers arrivent-ils bons pre­miers aux pal­ma­rès de la popu­la­ri­té des pro­fes­sions ? Sans doute parce qu’ils passent a prio­ri pour le recours évident, comme d’instinct, dès qu’a frap­pé le mal­heur en sa bru­ta­li­té. Une pro­fes­sion ? Bien sûr, mais le mot ne convient vrai­ment qu’à une mino­ri­té d’entre eux. C’est que, pour huit sur dix, il n’est jus­te­ment pas ques­tion du métier qui les fait vivre, mais d’un enga­ge­ment civique en marge de leur acti­vi­té pro­fes­sion­nelle habituelle. 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. À la BSPP (Bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris), 8 000 mili­taires (pour la capi­tale et sa petite cou­ronne) ; au BMPM (Bataillon de marins-pom­piers de Mar­seille), 1 700 autres (pour la cité pho­céenne et son immé­diate péri­phé­rie). Ajou­tons les 1 500 hommes des UIISC (Uni­tés d’instruction et d’intervention de la Sécu­ri­té civile), mili­taires eux aus­si, mis à la dis­po­si­tion des auto­ri­tés de tutelle lors de situa­tions dites « de crise » (gros feu de forêt, inon­da­tion inat­ten­due, risque chi­mique, secousse tel­lu­rique, etc., y com­pris à l’étranger). Et puis, sur l’ensemble du pays, 41 000 pro­fes­sion­nels (civils), fonc­tion­naires ter­ri­to­riaux, sur­tout affec­tés dans les grandes villes. Quant aux gros contin­gents, comp­tez près de 200 000 volon­taires. Des citoyens « ordi­naires » enga­gés en ren­fort de pro­fes­sion­nels, ou sur 70 % du ter­ri­toire comme acteurs immé­diats de proxi­mi­té, tou­jours sous l’autorité des Sdis (Ser­vices dépar­te­men­taux d’incendie et de secours). Côté finances (hors struc­tures mili­taires d’État), les Ser­vices dépar­te­men­taux d’in­cen­die et de secours (Sdis) les per­çoivent, pour 59 %, des conseils dépar­te­men­taux ; pour 41 %, des com­munes et éta­blis­se­ments publics de coopé­ra­tion inter­com­mu­nale (EPCI).

Retour « au ter­rain »… Pre­nez, dans le Sud, cette petite ville de 2 000 habi­tants. Entou­rée de forêts sen­sibles au feu dès mars, com­pre­nant un ter­rain de cam­ping archi­bon­dé en juillet-août, située à proxi­mi­té d’un tron­çon d’autoroute ultra-fré­quen­té, son coquet centre de secours dis­pose essen­tiel­le­ment d’un four­gon-pompe tonne, d’un camion-citerne feux de forêt et d’une ambu­lance (véhi­cule de secours et d’assistance aux vic­times). Autre­ment dit, un « poste avan­cé » indis­pen­sable entre deux villes éloi­gnées de 25 kilo­mètres de part et d’autre. Il aligne un effec­tif de 35 volon­taires, qui réus­sissent — per­pé­tuel tour de force —, même aux heures de la jour­née où chacun(e) peut se voir retenu(e) par son acti­vi­té pro­fes­sion­nelle (sou­vent à dis­tance), à main­te­nir tout temps dans la com­mune une équipe de quatre hommes et une femme (dont obli­ga­toi­re­ment un conduc­teur poids lourd). Leur réac­tion sera immé­diate au pre­mier « bip » déclen­ché du Codis (Centre opé­ra­tion­nel dépar­te­men­tal d’incendie et de secours), au chef-lieu du dépar­te­ment, où tombent les appels du 18, du 15 et du 112. En voi­ture, à deux-roues (sans prio­ri­té, alors), ou sim­ple­ment, pour les plus proches, à belles enjam­bées, ils rap­pli­que­ront au centre de secours. Le temps de s’équiper, et en cinq minutes — tou­jours trop longues ! — ils  auront embar­qué dans l’un ou/et l’autre des engins ; ils fon­ce­ront, aver­tis­seur deux-tons et gyro­phare en action, vers là où ça brûle, là où ça fait mal, là où ça menace. 

Et voi­là qui n’est pas dis­so­ciable du fait que ce genre d’unités com­po­sées de volon­taires — le nombre d’interventions (deux en moyenne par semaine) ne pou­vant jus­ti­fier l’affectation per­ma­nente de pro­fes­sion­nels —, c’est aus­si des groupes humains ancrés dans une His­toire par­ta­gée. Car­ré­ment un signe, un repère, qui enri­chit concrè­te­ment la vie locale. Et qui à l’occasion en demeure la seule expres­sion dyna­mique. De quoi allier le côté asso­cia­tif plu­tôt bon enfant, fes­tif même, à une « caserne » affi­chant pour­tant le sou­ci constant d’un ser­vice public de bon niveau. Sou­cis de la for­ma­tion, des recy­clages, des concours, mais aus­si de réveils chez soi au creux de la nuit. Sûre­ment pas d’abord par appât du gain, à 10 euros l’heure d’intervention !  

Un nombre suf­fi­sant de sau­ve­teurs de cette trempe (on ne lutte contre le feu, on ne secourt qu’en équipe) ; un temps de regrou­pe­ment dans les centres de secours aus­si court que pos­sible après l’alarme ; un savoir-faire au-des­sus de tout soup­çon : voi­là le triple défi à rele­ver quand les minutes comptent double. Dif­fé­rence, de taille,  avec les pro­fes­sion­nels : si ces der­niers, de garde, peuvent « déca­ler » (le verbe pour « par­tir en inter­ven­tion ») dans la minute, les volon­taires, eux, sont le plus sou­vent, à l’instant de l’appel, occu­pés — redi­sons-le — à gagner leur vie dans les pro­fes­sions les plus diverses, à com­plé­ter des études, à mener leur exis­tence per­son­nelle et fami­liale, ou encore à « faire la fête », sinon à « culti­ver leur jar­din », au sens large du terme, voire à rêver au creux de leur lit. À moins qu’ils ne se trouvent en garde pos­tée à la caserne, sur­tout de nuit et aux week-ends. 

Un défi majeur qui porte un nom : dis­po­ni­bi­li­té. C’est le maître mot, mais encore faut-il l’entendre en accord avec une mul­ti­pli­ci­té de situa­tions concrètes. Car si tel volon­taire d’une petite ville de la Somme aura pu pla­quer là les siens et ses invi­tés en plein réveillon de Noël au tin­te­ment  de son bipeur, pour­rait-il un jour sui­vant, à 7 heures du matin, sous la pres­sion d’un autre appel, aban­don­ner son poste à la bou­lan­ge­rie indus­trielle où il tra­vaille ? Non ! Mal­gré ces quelques nou­velles pos­si­bi­li­tés de dédom­ma­ge­ment finan­cier des employeurs ayant recru­té des pom­piers volon­taires (à la suite d’années de pres­sions de leur Fédé­ra­tion natio­nale), les entre­prises, les admi­nis­tra­tions même, ne peuvent pas for­cé­ment — ou ne veulent tout sim­ple­ment pas — sup­por­ter ce genre d’absences appe­lées à se répé­ter. C’est que dif­fi­cul­tés éco­no­miques ou/et igno­rance du concept d’« entre­prise citoyenne » ne sont jamais bien loin… 

Enjeux et défis : les dossiers des pompiers sont ceux de tout le monde

Nous avons essen­tiel­le­ment abor­dé dans ces lignes les aléas du volon­ta­riat ; autant dire de l’élan citoyen au ser­vice d’une cause civique. Et seule­ment cela, parce qu’une com­mu­ni­ca­tion ponc­tuelle — tous les jour­na­listes le savent — ne doit, ne peut s’articuler qu’autour d’un seul mes­sage. Or, celui-ci appa­raît comme le plus pré­gnant en termes d’avenir et de dia­logue entre sau­ve­teurs-secou­ristes et grand public, dans le droit-fil de l’article 1 de la loi du 3 mai 1996, dite « de déve­lop­pe­ment du volon­ta­riat dans les corps de sapeurs-pom­piers » : « Les sapeurs-pom­piers volon­taires par­ti­cipent aux mis­sions de sécu­ri­té civile de toute nature qui sont confiées sur l’en­semble du ter­ri­toire aux ser­vices d’in­cen­die et de secours. » 

Pour autant, de nom­breux autres dos­siers n’ont pas été — ne sont pas — sans rete­nir l’attention, puis l’énergie en termes de repré­sen­ta­tion auprès de la puis­sance publique des 41 000 pom­piers pro­fes­sion­nels, comme de ces quelque 200 000 enga­gés volon­taires (hors du métier qui les fait vivre), alias « le peuple pom­pier », éma­na­tion pure et simple de la France imma­nente. À l’image, muta­tis mutan­dis, du peuple en armes (mais paci­fique, celui-ci) de l’an II. De quoi alors admettre qu’il s’agit de l’affaire de tous.

Il n’est que d’aborder un tant soit peu l’histoire de la Fédé­ra­tion natio­nale des sapeurs-pom­piers pour sai­sir d’emblée que c’est elle qui a lar­ge­ment sus­ci­té, dis­cu­té, accom­pa­gné, mis en œuvre, depuis 1882 (!), cir­cu­laires, arrê­tés, décrets et lois à l’origine de la pro­tec­tion civile, puis de la sécu­ri­té civile. Avec, à la clé, l’évolution des corps de sapeurs-pom­piers, comme de leur adap­ta­tion aux risques nou­veaux à mesure que ceux-ci se fai­saient jour. Tels ceux de la route, qui se mul­ti­plièrent dans les années 1970 — 16 545 tués (le record en France de la mor­ta­li­té rou­tière) et 388 363 bles­sés en 1972. Hors les pom­piers, encore mal équi­pés, et aux week-ends les équipes secou­ristes de la Croix-Rouge avec leurs timides postes de secours sur les grands axes, rien ni per­sonne n’avait anti­ci­pé la moindre réponse ration­nelle au désastre. Et c’était alors dans le désert que prê­chait encore le pro­fes­seur Mar­cel Arnaud, neu­ro­chi­rur­gien, chi­rur­gien chef aux Hôpi­taux de Mar­seille, pro­mo­teur en France du secours rou­tier, qui obtint enfin la tenue d’assises de chi­rur­gie sur le thème « Les poly­trau­ma­ti­sés de la route ». Il y stig­ma­ti­sait « l’impéritie des auto­ri­tés qui n’ont rien fait pour que dès “le pied de l’arbre” soit désa­mor­cée la mort et relan­cée la vie ».

Croyez bien que, tant en matière de lutte contre l’incendie que de pro­tec­tion des popu­la­tions ou de ce secours aux per­sonnes que nous avons ici évo­qué, rien, en France, ne fut facile. Et, en dépit des pro­grès accom­plis, aujourd’hui encore le doute s’instille chez de fins obser­va­teurs, ne serait-ce que par com­pa­rai­son avec nombre de pays développés. 

Der­nier texte légis­la­tif qui compte : celui dit « de moder­ni­sa­tion de la sécu­ri­té civile », adop­té le 13  août  2004. En ses articles 2, 3 et 4, il lie comme des par­te­naires, face aux risques, les pom­piers et tous les citoyens : « Les mis­sions de sécu­ri­té civile sont assu­rées prin­ci­pa­le­ment par les sapeurs-pom­piers pro­fes­sion­nels et volon­taires des ser­vices d’in­cen­die et de secours […]. La poli­tique de sécu­ri­té civile doit per­mettre de s’at­ta­quer réso­lu­ment aux risques en les anti­ci­pant davan­tage, de refon­der la pro­tec­tion des popu­la­tions et de mobi­li­ser tous les moyens encou­ra­geant les soli­da­ri­tés. […] Toute per­sonne concourt par son com­por­te­ment à la sécu­ri­té civile. En fonc­tion des situa­tions aux­quelles elle est confron­tée et dans la mesure de ses pos­si­bi­li­tés, elle veille à pré­ve­nir les ser­vices de secours et à prendre les pre­mières dis­po­si­tions nécessaires. »

Cela est bel et bon… Encore faut-il que les deman­deurs de secours soient véri­ta­ble­ment pla­cés, tout comme les vic­times, au centre du sys­tème. On peut en dou­ter quand on se sou­vient de ce qu’écrivait, dans les années 2010, Richard Vignon, ancien pré­sident de la Fédé­ra­tion des pom­piers, par ailleurs alors direc­teur du Ser­vice d’incendie et de secours de Seine-et-Marne (puis deve­nu pré­fet). Il n’y était pas allé par quatre che­mins pour éta­blir un état des lieux : « Le sys­tème actuel du secours à  vic­times est à bout de  souffle. Il est beau­coup trop com­plexe et manque de sou­plesse. Tout le  monde s’accorde aujourd’hui pour dire que la situa­tion se révèle pré­oc­cu­pante. Per­sonne ne se trouve à l’abri de graves dys­fonc­tion­ne­ments. Cer­tains ter­ri­toires sont mal cou­verts ; d’autres le sont trop. […] Il faut que, ter­ri­toire par ter­ri­toire, on exa­mine quels sont les dif­fé­rents acteurs des urgences en pré­sence et que l’on défi­nisse quelles misions ils peuvent accom­plir en com­plé­ment les uns des autres. Or, je constate que le minis­tère de la  San­té mène, avec les Samu, ses réflexions dans l’ignorance de l’action des ser­vices d’incendie et de secours. Pour­tant, les sapeurs-pom­piers sont, en France, le ser­vice public qui réa­lise — et de loin — le plus grand nombre de secours aux per­sonnes. Nous ne sommes donc pas des acteurs sup­plé­tifs. Il serait temps que l’on tienne compte de notre maillage géo­gra­phique, à nul autre pareil, même en dépit des regret­tables fer­me­tures de petites casernes ser­vies par des volon­taires. Car nous pou­vons appor­ter des réponses effi­caces à des coûts inté­res­sants pour les finances locales. Cela relève de la logique d’aménagement du ter­ri­toire. Dans les zones recu­lées de mon­tagne, en rai­son du faible nombre de nos inter­ven­tions, il est inutile de mettre en place une garde ambu­lan­cière pri­vée. C’est du gâchis. Pour­quoi ne pas confier cette mis­sion aux pom­piers, qui peuvent à la fois y assu­rer les inter­ven­tions urgentes et les trans­ports sani­taires sans urgence. En revanche, en zone urbaine, nos moyens ne sont pas des­ti­nés à faire du trans­port sani­taire en cas de carence, trop fré­quente, des entre­prises pri­vées d’ambulance. »

Eh bien, voi­là l’un des élé­ments de ce qu’il est conve­nu d’appeler « la guerre des urgences ». Depuis trente ans, quel jour­nal, quelle émis­sion ayant « sor­ti » un dos­sier sur le sujet ne l’a‑t-il pas titré ain­si ? À par­tir d’enquêtes qui toutes ont mis en lumière des man­que­ments incroyables à une règle qui devrait s’avérer intan­gible dans un pays moderne : coor­di­na­tion / rapi­di­té / effi­ca­ci­té / moyens adé­quats. En un mot : ratio­na­li­té ! Il semble que « ça vient ».

Un cas révélateur

Arrê­tons-nous à ce fait-divers reten­tis­sant, certes raris­sime, mais qui, lui, n’est pas une fic­tion : une nuit, dans une petite com­mune de la Région Centre, un homme, durant des heures, allait chez lui s’enfoncer dou­ce­ment dans la mort sans rece­voir la moindre assis­tance, mal­gré plu­sieurs appels déses­pé­rés de son fils d’une dizaine d’années au 18 (il connaît les pom­piers). Chaque fois, bas­cu­le­ment vers le 15 (un malade à domi­cile, c’est pour le  Samu !). Oui, mais le Samu, compte tenu des indi­ca­tions de l’enfant (sans doute mal­adroites, au point de ne pas lais­ser per­ce­voir une urgence abso­lue), opère un simple trans­fert vers un méde­cin géné­ra­liste du sec­teur (alors de garde, quand celle-ci était encore obli­ga­toire), mais dont la ligne demeure occu­pée, ou sur répon­deur. Résul­tat : néant. Et le décou­ra­ge­ment gagne l’enfant, sub­mer­gé par l’effroi, au che­vet d’un père dont il finit par croire qu’il s’est endor­mi. Tout cela à quelques cen­taines de mètres du centre de secours de la com­mune, lequel dis­po­sait d’un véhi­cule de secours et d’assistance aux vic­times (VSAB) tout à fait aux normes et d’un per­son­nel (volon­taire) apte à rejoindre le centre en quelques minutes, puis à inter­ve­nir en prompt secours.

À noter qu’une défaillance du même genre, on le sait, n’a pas été sans se répé­ter ici ou là (même à Stras­bourg…). Plus ou moins relayée média­ti­que­ment, selon les impé­ra­tifs du moment en matière d’abondance de l’info. Ah ! l’information du grand public… Mais qui, dans le flot média­tique, irait s’intéresser vrai­ment à la sur­vie pos­sible d’un citoyen ano­nyme et « oublié » ? Et puis, à ne jamais perdre de vue, jusque chez les acteurs de l’Urgence : « Selon que vous serez puis­sant ou misérable… »

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