Crédit photo : P. Forget/Sagaphoto

« Désamorcer la mort, relancer la vie »

Marcel Arnaud, professeur de neurochirurgie (1896-1977)

Face à la douleur : les pompiers en première intention

par Bernard Laygues

red vehicle in timelapse photography
Camilo Jimenez — Unsplash

Les inter­nautes qui m’auraient fait l’honneur de lire mon texte titré « Signe d’appel : la dou­leur » n’imaginent pas for­cé­ment le « vide » res­sen­ti autour d’une per­sonne griè­ve­ment bles­sée ou atteinte d’un sévère désordre orga­nique. Pour ne rete­nir que la dou­leur, par­fois insup­por­table — chez soi, sur la route, dans une usine, sur un ter­rain de sport, etc. —, que se passe-t-il dans l’attente d’une uni­té mobile hos­pi­ta­lière (un Smur 1 du Samu 2), alors que pas un méde­cin équi­pé de sa trousse d’urgence ne passe par là ? Eh bien, seuls les pom­piers, presque tou­jours les pre­miers sur place, vont devoir agir. Puisque faire face à la dou­leur dans le cadre d’une urgence extra­hos­pi­ta­lière s’inscrit désor­mais dans leurs mis­sions, for­ma­tion spé­ci­fique à l’appui. Plus ou moins vite, hélas, selon les départements.

Glis­sons un œil sur l’activité de nos ser­vices d’incendie et de secours (der­niers chiffres annuels confir­més pour 2021) : 4 680 900 inter­ven­tions, dont 254 200 pour incen­dies, mais 4 055 900 secours aux per­sonnes dans un contexte d’appels d’urgence (com­pre­nant 288 300 acci­dents de la cir­cu­la­tion). Voi­là qui éta­blit clai­re­ment que les pom­piers ne sont plus d’abord des « sol­dats du feu », comme on les désigne encore bien sou­vent. Plu­tôt des « géné­ra­listes du risque », voire des « sol­dats de la Vie », autres déno­mi­na­tions glo­bales d’aujourd’hui. À ceci près que les feux de forêt esti­vaux, les feux d’immeubles ou de com­plexes indus­triels — tou­jours leur cœur de métier — les mobi­lisent pour un temps sans com­pa­rai­son. De même avec les risques tech­no­lo­giques (53 500 inter­ven­tions) ou les inon­da­tions (des jours de sur­veillance et d’évacuation).

Il faut le savoir : jusqu’à récem­ment, côté secours san­té aux per­sonnes, les pom­piers ne pou­vaient appli­quer que des tech­niques d’un secou­risme ren­for­cé, certes indis­pen­sables, mais ne visant qu’à empê­cher la dégra­da­tion de l’état phy­sio­lo­gique des vic­times durant leur prise en charge et leur trans­port vers un ser­vice hos­pi­ta­lier des urgences. C’était l’éventuelle admi­nis­tra­tion d’oxygène, la pose d’attelles gon­flables (frac­tures), d’un gar­rot (rare­ment indis­pen­sable), d’une minerve (pro­tec­tion du rachis cer­vi­cal), de pan­se­ments hémo­sta­tiques (hémor­ra­gies) ou de pro­tec­tion anti­sep­tique ; et puis le recours au « mate­las coquille » (rigide après gon­flage) pour un trans­port en totale immo­bi­li­té. Plus récem­ment encore, et suite à bien des retards dus à cer­taines auto­ri­tés médi­cales « fri­leuses », face au pire s’est impo­sé le défi­bril­la­teur externe à même de relan­cer un cœur qui bat la cha­made (fibril­la­tion ven­tri­cu­laire). En fait, seul(e)s, chez les sapeurs-pom­piers, les méde­cins puis les infirmiers(ières) protocolisé(e)s 3 de leur SSSM 4 pou­vaient faire plus.

À la suite de la cam­pagne contre la dou­leur menée d’abord auprès du monde médi­cal, puis vers le public, par le doc­teur Ber­nard Kouch­ner, alors ministre de la San­té, il deve­nait fatal que des attentes aux allures d’exigences se fassent jour hors même la pré­sence de per­son­nels et de moyens stric­te­ment médi­caux, ou même en les atten­dant. Com­ment, en effet, lais­ser une per­sonne (sur­tout un petit enfant) vivre un cal­vaire à la suite, par exemple, d’une brû­lure gra­vis­sime (deuxième degré pro­fond et éten­du) sans ten­ter de cal­mer la souf­france, alors que — presque tou­jours — un VSAV 5 des pom­piers se trouve déjà sur place ?

  1. Struc­ture mobile d’urgence et de réani­ma­tion [avec à bord, en prin­cipe, un(e) ambulancier(ère) spécialisé(e), un(e) infirmier(ère) en pra­tique avan­cée, un méde­cin urgen­tiste].[]
  2. Ser­vice d’aide médi­cale urgente. Un par dépar­te­ment.[]
  3. Ils (Elles) suivent des pro­to­coles, écrits et signés par leur méde­cin chef(fe), qui auto­risent gestes inva­sifs et uti­li­sa­tion de médi­ca­ments selon les patho­lo­gies.[]
  4. Ser­vice de san­té et de secours médi­cal.[]
  5. Véhi­cule de secours et d’assistance aux vic­times [conducteur(trice), secou­riste opérationnel(le), chef(fe) d’agrès)].[]
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