Les internautes qui m’auraient fait l’honneur de lire mon texte titré « Signe d’appel : la douleur » n’imaginent pas forcément le « vide » ressenti autour d’une personne grièvement blessée ou atteinte d’un sévère désordre organique. Pour ne retenir que la douleur, parfois insupportable — chez soi, sur la route, dans une usine, sur un terrain de sport, etc. —, que se passe-t-il dans l’attente d’une unité mobile hospitalière (un Smur 1 du Samu 2), alors que pas un médecin équipé de sa trousse d’urgence ne passe par là ? Eh bien, seuls les pompiers, presque toujours les premiers sur place, vont devoir agir. Puisque faire face à la douleur dans le cadre d’une urgence extrahospitalière s’inscrit désormais dans leurs missions, formation spécifique à l’appui. Plus ou moins vite, hélas, selon les départements.
Glissons un œil sur l’activité de nos services d’incendie et de secours (derniers chiffres annuels confirmés pour 2021) : 4 680 900 interventions, dont 254 200 pour incendies, mais 4 055 900 secours aux personnes dans un contexte d’appels d’urgence (comprenant 288 300 accidents de la circulation). Voilà qui établit clairement que les pompiers ne sont plus d’abord des « soldats du feu », comme on les désigne encore bien souvent. Plutôt des « généralistes du risque », voire des « soldats de la Vie », autres dénominations globales d’aujourd’hui. À ceci près que les feux de forêt estivaux, les feux d’immeubles ou de complexes industriels — toujours leur cœur de métier — les mobilisent pour un temps sans comparaison. De même avec les risques technologiques (53 500 interventions) ou les inondations (des jours de surveillance et d’évacuation).
Il faut le savoir : jusqu’à récemment, côté secours santé aux personnes, les pompiers ne pouvaient appliquer que des techniques d’un secourisme renforcé, certes indispensables, mais ne visant qu’à empêcher la dégradation de l’état physiologique des victimes durant leur prise en charge et leur transport vers un service hospitalier des urgences. C’était l’éventuelle administration d’oxygène, la pose d’attelles gonflables (fractures), d’un garrot (rarement indispensable), d’une minerve (protection du rachis cervical), de pansements hémostatiques (hémorragies) ou de protection antiseptique ; et puis le recours au « matelas coquille » (rigide après gonflage) pour un transport en totale immobilité. Plus récemment encore, et suite à bien des retards dus à certaines autorités médicales « frileuses », face au pire s’est imposé le défibrillateur externe à même de relancer un cœur qui bat la chamade (fibrillation ventriculaire). En fait, seul(e)s, chez les sapeurs-pompiers, les médecins puis les infirmiers(ières) protocolisé(e)s 3 de leur SSSM 4 pouvaient faire plus.
À la suite de la campagne contre la douleur menée d’abord auprès du monde médical, puis vers le public, par le docteur Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, il devenait fatal que des attentes aux allures d’exigences se fassent jour hors même la présence de personnels et de moyens strictement médicaux, ou même en les attendant. Comment, en effet, laisser une personne (surtout un petit enfant) vivre un calvaire à la suite, par exemple, d’une brûlure gravissime (deuxième degré profond et étendu) sans tenter de calmer la souffrance, alors que — presque toujours — un VSAV 5 des pompiers se trouve déjà sur place ?
- Structure mobile d’urgence et de réanimation [avec à bord, en principe, un(e) ambulancier(ère) spécialisé(e), un(e) infirmier(ère) en pratique avancée, un médecin urgentiste].[↩]
- Service d’aide médicale urgente. Un par département.[↩]
- Ils (Elles) suivent des protocoles, écrits et signés par leur médecin chef(fe), qui autorisent gestes invasifs et utilisation de médicaments selon les pathologies.[↩]
- Service de santé et de secours médical.[↩]
- Véhicule de secours et d’assistance aux victimes [conducteur(trice), secouriste opérationnel(le), chef(fe) d’agrès)].[↩]